[RP] "Ciel, mon époux !" ou l'histoire d'un pique-nique à fort taux d'imprévus.

[1er octobre 1457 - 11h00 passées - 7 rue basse des Remparts]

Marcko est rentré à l'aube de son tour de garde et a dormi jusqu'à ce que le soleil touche son Zénith ou presque. Maintenant qu'il me remplace à la maréchaussée, notre vie semble inversée. C'est moi qui me lève quand lui se couche, c'est moi qui garde la chambre volets clos, quand lui a en charge de les ouvrir à son réveil.
C'est donc les yeux encore embués de sommeil, je le vois nous rejoindre ce midi - Apolline, les enfants et moi - dans la cuisine pour le repas. Probablement a-t-il été attiré par le doux fumêt qui se dégage des marmites.
Nous prenons le déjeuner tous ensemble, nous régalant tant par l'abondance des victuailles que de la présence de tout le monde à table ou non loin.

Cet après-midi, j'irai travailler dans ma forge.

Il lâche cela entre deux bouchées, comme il m'aurait demandé de lui passer le sel. La fourchette qui, de mon assiette à ma bouche, a entrepris le trajet s'arrête à mi-chemin.

Dois-je te rappeler, mon époux, que tu es encore d'astreinte cette nuit ? Et ce jusqu'au lundi matin de la prochaine semaine.

Je le taquine bien évidemment, ne doutant pas un seul instant de sa mémoire et de son dévouement, sachant pertinemment qu'il est plutôt du genre à faire le plus que le moins, voire à en faire trop. C'est qu'il n'est plus tout jeune, mon Marcko, et j'aimerais tant qu'à faire le conserver à mes côtés encore longtemps. Ou du moins... suffisamment pour qu'il vive l'après-midi de repos que je lui ai concocté.

Que nenni, je rajoute en agitant mon couvert sous son nez, aussitôt après le repas, tu files te recoucher. La nuit sera longue, ça ne te fera guère de mal.

Il est bien rare que je lui donne des ordres et en l'occurence, j'espère que mon ton, pas censé souffrir réclamation, le dissuadera de toute discussion.

Les commandes se sont accumulées en mon échoppe de forgeron. Lorsque je suis passé voir ma forge en rentrant de ma nuit de garde, je m'étais persuadé pouvoir mettre à profit mon après midi pour m'atteler à la tâche. C'est que les clients coutumiers de mon travail n'ont jamais eu l'habitude d'attendre.

Le couvert s'agite sous mon nez, ma petite épouse se montre persuasive et surtout pragmatique. Encore deux longues gardes en effet, dans la fraicheur humide de la nuit. S'ils n'étaient pas venus se présenter d'eux même, quelques voyageurs arrivés très tard auraient pu s'introduire dans nos murs cette nuit même, sans que je ne puisse dûment les jauger. Alors la mine souriante arborée d'un regard contrit, j'acquiesce. Avait-elle franchement tort ?

Flâtteur, l'humeur joueuse, je le lui indique. "Tu as raison mon amour, comme toujours". Puis soudain je ne puis réprimer une envie de bâiller. La bonne odeur du repas préparé m'allèche et me tient éveillé. Papilles toutes à l'attente du met à consommer.

Aussitôt après le repas, tu files te recoucher. La nuit sera longue, ça ne te fera guère de mal.

Me recoucher ? Je m'enthousiasme d'un air coquin, pensif. Lançant avec fierté un argument de poids : Je n'ai plus vingts ans Je m'amuse, j'ai envie de rire avec elle. Cette astreinte ne nous laisse pas vivre normalement.

[Cuisine des de Maussac-Thézan aux alentours de midi]

Je n'ai plus vingts ans.

Je souris à la réflexion de mon époux. Il me connait par coeur : je l'ai par le passé tellement taquiné à propos de cette décennie qui nous sépare... qu'aujourd'hui, d'humeur princière, je lui fais grâce de la remarque, me retenant bien malgré moi de lui confirmer que c'est bien pour cela que je ne veux pas qu'il s'épuise.

C'est ainsi, dans la joie et la bonne humeur, échangeant des regards tantôt complices, tantôt mutins, que le déjeuner avance. De plat de résistance concocté par mes soins : côte de boeuf à l'échalote et aux sarments de vignes, en dessert à venir : compote de pommes maison façon Apolline.
Je soupçonne cette dernière d'y ajouter une légère note de cannelle, tout en ignorant encore où elle se la procure. Ce pourrait-il qu'elle ait remarqué le petit sac de cette poudre d'écorce qui siège en mon échoppe ? Il est vrai que j'utilise cette épice dans la composition de l'Hypocras que je fabrique et que je vends à l'Eau des Fouloirs.

Quoi qu'il en soit, le repas d'aujourd'hui a des airs de festin de jour de fête. Etant en effet à la maison en cette journée, je me suis attelée à sa préparation. J'ajouterais même que je m'enorgueillis des nombreux progrès que j'ai fait dernièrement en la matière. Déjà plus ou moins bonne cuisinière lorsque nous habitions en Briançon, je suis - aux dires d'Apolline - devenue un vrai cordon bleu. Il faut dire que cette dernière, véritable chef dans le domaine, m'a appris quelques astuces afin que de ravir les palais.

Saisissant un pichet qui trône au milieu de la tablée, je propose à mon aimé un verre de vin pour accompagner le plat :

Issu, tu t'en doutes, de notre cuvée. La première bouteille en vérité... Je l'avais mise de côté pour nous, celle-là !

Avant même qu'il ait le temps de répondre, Margot, assise dans sa chaise haute en bois, ceinturée par une de mes étoles afin qu'elle ne bascule pas de droite ou de gauche, se met à babiller :

Aheuh ? Baaabeudeu... Baba ! petit rire enfantin. Baba, baba baheu.

Pardi ! Ai-je bien entendu ? L'on dirait que ma fille commence à s'essayer à l'art de la parole... Je jette un oeil au père, destinataire visiblement adulé de ce petit monologue, me demandant si ses oreilles ont entendu la même chose que les miennes. C'est ce moment que choisit Jacob, gigotant dans son berceau pour accompagner sa soeur de ses gazouillis de bébé et des sons du hochet égaré par Margot quelques temps plus tôt.
Décidément, cette journée s'annonce encore plus formidable que ce que j'ai prévu.

» L'époux et père : MARCKO
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