[RP] Naissance d'une cuvée

[Cuverie des de Maussac-Thézan]

De longs mois, cela faisait de longs mois qu'elle attendait de pouvoir faire un pas en son échoppe et le grand jour venait d'arriver.

Au fil du temps, elle avait vu s'agrandir le vieil atelier abandonné dont elle avait fait l'acquisition. De jour en jour, certains murs étaient tombés, d'autres s'étaient érigés, donnant à la bâtisse plus de superficie qu'à son origine.

Du bâtiment originel ne restait que la pièce principale dont elle ferait son fond de commerce, ayant pignon sur rue : sa cave à vin qu'elle pensait appeler : "Eau des Fouloirs", l'enseigne étant encore en confection chez l'enlumineur.
Derrière la partie commerçante de son échoppe, l'arrière boutique était devenue la cuverie. L'immense pièce comprenait une table de tri où les baies moisies ou abîmées seraient séparées des grains mûrs et destinés à être pressés. Il y avait aussi une bassine en bois cerclée de métal, très haute, pour le foulage du raisin et qui pouvait accueillir plusieurs adultes en son sein. Pour finir, on pouvait voir une cuve où une lourde roue de pierre circulant sur son axe était destinée à écraser le moût du raisin, dont le jus serait récupéré grâce à des becs répartis çà et là le long de la rigole.

Les yeux émerveillés, Morgane admirait ce qui était enfin ses instruments de travail : de viticultrice il y avait quelques mois, elle était devenue vigneronne à part entière.

Sa main d'ancienne charpentière courait le long de la table de tri, caressait l'arrondi de la surface du fouloir, vérifiant tout, appréciant le bois dont ils étaient faits : la jeune femme avait choisi du chêne pour sa solidité, espérant ainsi faire perdurer sa cuverie le plus longtemps possible. Tout cela lui avait coûté une fortune : 500 de ses écus, lentement économisés, denier après denier mais le jeu en valait la chandelle.

Leurs deux propriétés viticoles, cet atelier de transformation du raisin... Tout cela faisait partie de leur rêve, à elle et à son époux. Rêve qui prenait consistance, qui devenait réalité. Aussi réel que les bruits de pas qu'elle entendit dans son dos, reconnaissant là ceux de son aimé avant même qu'il n'eut ouvert la bouche pour prononcer de cette voix qui faisait vibrer son oreille :

Vite, vite, vite ! Il est temps d'aller se servir, de cueillir sur la mère des vins rouges et des vins blancs, il est temps d'aller vendanger son abondance. Allons chercher de l'aide, allons et recrutons, embauchons nos voisins, rassemblons nos amis !

Un sourire taquin :

Oh bonjour doux ange, comment je vais ? Et bien ma foi, fort bien... Et vous-même ?

Et la brune de lui tirer la langue avant que de lui demander aussi enthousiaste que lui :

Alors ça y est ? Tu en es sûr ? Elles... Elles ont fini leur véraison ? Par Aristote ! Il va nous falloir des bras ! Et des paniers, ainsi que des charrettes pour ramener toutes les grappes jusqu'ici... Je vais aussi avoir besoin de tonneaux... beaucoup de tonneaux... Le vin coulera à flot, du très bon vin ! Cuvée du Domaine de Maussac-Thézan, s'il vous plait ! Ne trouves-tu pas comme cela sonne bien ?

Le flot de paroles devenait de plus en plus rapide, comme pour suivre les pensées de Morgane qui finit par éclater de rire face à l'exubérante excitation dont elle faisait preuve.

[Cuverie des de Maussac-Thézan]

Ma foi, cuvée du Domaine de Maussac-Thézan, tel est son nom ! s'exclama de joie l'ancien Gouverneur.



[Quelques temps plus tard, sur le chemin du Domaine]

C'est toute une colonne d'hommes, de femmes et de charrettes qui avançaient vers les cépages des De Maussac-Thézan, avec ce qu'ils avaient de matériel à la main ou au bras. Les outils affutés des coupeurs, les paniers solides comme une Apolline que les porteurs amèneraient une fois pleins sur le bord des rangs de vignes.

Marcko et Morgane prenaient la tête de la marche, accompagnés de leur nourrice bienveillante. L'oeil amusé, posé sur son épouse, le blond finit enfin par dire sa bêtise. Morgane, mon aimée, je pense qu'il faudra vous abstenir de trop en goûter de nos raisins, vous savez à quoi vous pourriez passer la nuit ensuite.

Ce soir là... bien des charrettes ne compteraient plus leurs allées et venues, emportant sans cesse plus de raisin à fouler vers la cuverie, à mesure que les porteurs le déposeraient aux abords du domaine.

Première fois, première cuvée. L'homme espérait: est-ce que tout aura été fait comme il le fallait ? Impossible de deviner la réussite. C'est qu'il y a bel et bien une part de magie dans ce procédé de vinification, pourtant vieux comme l'Homme.

[hrp]Oyez oyez les joueurs !
Prenez la plume, n'ayez pas peur.
Ce jour se veut festif, empli de joie et de partage pour Marcko et son épouse Morgane. Venez donc prendre part à l'événement, que ce soit pour simplement regarder passer le cortège d'hommes et de femmes devant les fenêtres de vos chaumières, ou pour venir vendanger avec nos personnages !
PJ comme PNJ, vous êtes les bienvenus ! Jeunes, vieux, barbus ou chevelus... N'hésitez plus ![/hrp]


[Dans les rues de Sémur]

Quelques journées s'étaient écoulées depuis que Marcko était entré, enthousiaste, dans son atelier afin de lui annoncer la bonne nouvelle.
Quelques journées qu'ils avaient passées à recruter un grand nombre de Sémurois afin de récolter les grappes de ce raisin qu'ils avaient tant attendu.
Quelques journées que la jeune femme avait en outre passées de son côté chez les charpentiers et l'enlumineur du village.
Des tonneaux lui avaient été livrés et l'enseigne de sa cave à vin prenait forme. Bientôt elle serait prête.
Marcko, forgeron de son état, saurait la fixer solidement au mur de pierres de l'échoppe. Sous peu l'entendrait-elle même peut-être grincer sur son support en fer.

Ce matin-là, le jour qui avait succédé à la nuit avait vu se lever le couple de vignerons mais pas seulement.
Les quelques journées auparavant évoquées avaient apporté avec elles foule de saisonniers cherchant salaire et c'est une longue file de vendangeurs qui commença à emplir les rues et les venelles à mesure que le cortège, s'étirant, se rapprochait du domaine viticole.

Peu avant la sortie du village, Marcko, dont elle sentait régulièrement le regard malicieux se poser sur elle, n'y tenant plus, se décida enfin à ouvrir la bouche :

Morgane, mon aimée, je pense qu'il faudra vous abstenir de trop en goûter de nos raisins, vous savez à quoi vous pourriez passer la nuit ensuite.

Répondra ? Répondra pas ?

Ah ! Messire mon époux,vous me voyez rassurée de constater que malgré votre âge allant, vous n'avez point tout oublié de vos études de médicastre...

Et l'épouse de prendre un air mutin : sourire angélique accompagnant un bout de langue tiré tout aussi innocemment.

Plus sérieusement, m'est avis que c'est de ta fille dont il faudra se méfier, dit-elle en désignant la petite qu'elle portait dans ses bras.

Se tournant alors vers la nourrice, elle ajouta :

Apolline, veillez bien sur ma petite acrobate. Bien que dans vos bras, elle aura vite fait d'attraper une baie sur une grappe voire, si vous la laissez quelque peu gambader à quatre pattes dans les rangées déjà vendangées, de ramasser un grain qui sera tombé au sol.

[Cuverie des De Maussac-Thézan]

Les charrettes remplies amenées près de la cuverie, le raisin fraichement cueilli eut tôt fait de se retrouver sur les tables de tri et, sous l'oeil avisé de Morgane, de commencer à être trié.
La jeune femme, dans son élément, expliqua aux dames réquisitionnées pour la tâche comment il fallait s'y prendre pour trier les baies.

Tout grain qui vous paraît suspect, tel celui-ci, dit-elle en montrant un raisin à la peau abîmée, gâtée, devra être enlevé afin de ne point apporter son amertume au vin qui en sera filtré.

Et Morgane de jeter la baie dans un des seaux régulièrement répartis le long de la table de tri.

Une fois que vous avez examiné le contenu qui vous a été confié, apportez le raisin destiné au foulage dans cette grande cuve en bois que vous voyez là-bas. Le fruit y sera foulé au pied de façon succincte ; le but étant d'en faire éclater les baies afin de libérer la pulpe et le jus du raisin, appelé moût.

Passant de la cuve de foulage à la table d'éraflage, elle continua :

Ici, nous égrapperons, ou éraflerons la vendange précédemment foulée. Autrement dit, nous enlèverons la partie ligneuse de la grappe, appelée rafle.

Pour finir, elle s'approcha d'autres cuves dites cuves de fermentation.

Une fois tout ce travail effectué, nous stockerons cette vendange triée, foulée et égrappée dans ces cuves où la fermentation fera son œuvre.

Regardant les trieuses :

Avez-vous des questions ? Non ? Alors au travail mes dames !

La jeune vigneronne souriait.

[Quelques temps plus tôt, Cépages des De Maussac-Thézan]

Mon aimée, peut-être devrions nous commencer le pressage avant que d'autres charrettes ne soient complètes ?

Son époux avait vu juste : le raisin commençait à s'amasser et s'ils ne faisaient pas déjà quelques aller-retours, ils risquaient de manquer de moyen de transports. Les vendangeurs et les coupeurs, travaillant de concert, avançaient à une vitesse déconcertante. L'on eut dit que ces premières vendanges étaient jour de fête. A vrai dire, c'était bel et bien le cas pour Morgane et Marcko.

Acquiesçant, elle laissa son époux donner l'ordre aux charretiers de prendre la route vers leur atelier de pressurage et suivit la file.

[Cuverie des De Maussac-Thézan]

Malgré le tumulte des personnes affairées, il y avait un silence certain : celui des gazouillis d'une enfant. Silence sans équivoque aux oreilles du père : une bêtise digne de sa créatrice était en train de se préparer. Le regard vif, furetant dans la cuverie de l'Eau des Fouloirs, le Sieur de Maussac-Thézan recherchait sa proie.

Non, point de Margot dans la cuve pleine des baies éclatées. Point de petits jupons non plus parmis les tonneaux vides et avides d'être remplis. Pas de traces d'un petit quadripède non, ni de petits pieds ayant oubliés de se faire cacher eux aussi sous les jupes des dames au travail.

Soudain, c'est un regard frippon qui s'éclipse : voilà Margot qui se rend sous la table de tri, toute à sa volonté bien arrêtée, à son désir de conquérir le monde.

Dans son large sourire, Marcko l'interpella :Oh te voilà toi ! petite chenapan... Pas le temps pour Marcko de s'approcher que la petite saisissait entre ses petits doigts potelés la baie intacte qui venait de rouler auprès d'elle.

Oh non... oh non

Mor... Morgane !